Arizona - Nouveau Mexique

Jeudi 10 septembre 2015

Payson (AZ) - Las Cruces (NM) : ~720 km - Parcours J35


C'est reparti pour une nouvelle journée, la fin approche à grand pas. Cap à l'est par la Forêt nationale d'Apache-Sitgreaves. La route tourne un peu, la forêt n'est pas très dense, et le paysage pas exceptionnelle mais néanmoins sympathique. J'enroule tranquille.


Arrivé à Alpine, virage à droite pour arriver sur la route 191. Sur la carte, la route, baptisée Coronado Trail, a l'air fort sympathique, avec des virolos à gogo à partir d'Hannagan Meadow. Dès les premiers virages, je sais que ça va être le gros panard. L'enrobé est niquel, la route est assez étroite, taillée dans la montagne. D'un côté la roche, de l'autre un peu de végétation quelques mètres plus bas. La route, le cadre, les virolos, ça a un petit air de Catalogne.


Voilà une petite vidéo de la route trouvée sur le net : Lien.


La limitation de vitesse est vraiment faible par endroit, entre 25 et 40 mph, soit entre 40 et 65 km/h selon la sinuosité de la route. La majorité des motards et automobilistes américains ne sont pas très doués à vrai dire, plutôt prudents dirons-nous. Mais quand on voit la formation requise pour l'obtention du permis, cela n'est guère étonnant. Par contre, ils ont l'habitude de beaucoup rouler en enduro dans la pampa pour se faire plaisir.


La route est sinueuse mais permet quand même d'y rouler à bon rythme en s'employant, de l'enroulé très tonique disons. A la vue d'un virage à droite un peu relevé qui s'ouvre, je décide de me faire un peu plaisir, rentre fort dedans en déhanchant et en restant gaz en grand pour ne réduire qu'une fois revenu en ligne sur la moto. Je prends soudain peur en voyant sur le compteur une vitesse très au-delà des limitations. Je chope les freins et je n'avais malheureusement pas remarqué la voiture stationnée au niveau du virage suivant à gauche, à quelques centaines de mètres. Je me dit alors "Pourvu que ça ne soit pas les flics !". Juste après cette pensée inquiétante, les lumières s'allument sur le toit de la voiture.


11 épreuve - ô salette !


Mon cerveau part en burn-out. Je vis un moment existentiel, un de ceux où tu devines que ta vie va basculer et sombrer dans un océan d'emmerdes. J'imagine mon permis américain supprimé, ma moto confisquée, mon visa de travail US annulé, mon expat' professionnelle stoppée nette, une amende très salée, et moi... habillé en orange avec mon chef qui vient payer ma caution pour me libérer et me ramener en France. Cette pensée m'apparaît très vite et persiste. Mon corps se met à trembler comme une feuille. Je flippe que le ciel me tombe sur la tête. Mon cerveau m'envoie des alarmes mais il est évidemment trop tard.


Le flic, un latino d'environ 35-40 ans, n'a pas besoin de me poursuivre. Je m'arrête de moi-même à proximité de sa Dodge.

NDLR : Après coup, j'ai retrouvé l'endroit, c'est juste au nord du Spur Cross Trailhead (#8) Trailhead.

Premier élément que je vérifie, ce n'est pas un "State Trooper". Ouf ! Il ne devrait donc pas avoir accès à l'ensemble de mes warnings et amendes dans tous les autres états. C'est une bonne nouvelle pour moi. Il ne verra donc pas mes infractions au Texas et celle du Colorado.


Début de la procédure d'usage : permis, carte grise, assurance... "Vous savez pourquoi je vous arrête." Je pense oui. Et là, il commence direct par me mettre la pression : "Vous rouliez vraiment trop vite. Je vous ai entendu arriver de loin." Ah !!! Puis il commence à m'annoncer ce que je risque : "plus de permis, gros amende, saisie du véhicule, quelques jours de détention, peut-être suspension du visa..." Je ne sais pas si ce qu'il dit est vrai ou si c'est pour me faire flipper mais je fais de l'huile. Puis il me demande si je vis bien au Texas, pour qui je travaille, dans quoi... J'essaie de jouer sur la fibre patriotique (militaire toussa toussa) en disant que je travaille sur une base US Air Force, que je travaille dans l'aéro. Ça m'a déjà servi au Texas. Bref, ça ne coûte rien d'essayer.


Je trouve étrange qu'il ne me donne pas ma vitesse. D'habitude, l'information est donnée assez vite. Puis il me dit "Qu'est-ce que je fais avec vous ?". Je lui aurais bien dit de me laisser partir mais j'opte pour une stratégie plus sûre : la fermer. Il me répète que ce j'ai fait est grave et que je risque gros. C'est con, je n'ai pas de copain avocat pour me sortir de là. "Better call Saul !"


En voyant ma moto le barda et les stickers, il me demande si j'ai bien fait tout ça alors je lui explique un peu mon périple en quelques phrases. Puis il me dit qu'il est motard également. L'espoir renaît en moi. Il me conseille d'aller sur circuit si je veux rouler vite. Il me met au supplice pendant 20-30 minutes en tout, mais ça m'a semblé des heures. Puis il me dit : "Bon, t'as l'air d'être un bon gars. Je passe pour cette fois. Je te mets un warning mais fais gaffe. Et roule moins vite. Take care, ride safe."


Explosion de joie intérieure. Je le remercie pour sa bonté et lui promets de faire attention. Le bon Dieu des motards voyageurs était avec moi, j'en suis certain. Il ne voulait pas que mon aventure se termine comme ça.


C'est reparti mon kiki, mais mollo !!


Je continue donc vers le sud, j'arrive sur la fin de la partie sinueuse et arrive maintenant dans un grand complexe minier, Morenci Mine. Un truc gigantesque de plus de dix kilomètres de longueur, avec des airs de base secrète américaine.





De retour sur la I10, cap à l'est et me voici de retour au Nouveau-Mexique !



La route jusqu'à Las Cruces est rectiligne au possible. Petit camping dans le désert.

Je piaffe déjà d'impatience de prendre, demain, la route 170 longeant le Rio Grande et de retourner camper à Big Bend.